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A.M.CASSANDRE PAR HENRI MOURON  Schirmer Mosel Production

CHAPITRE 2 :    DE LA SYNTHÈSE A L'OBJET

« Ce qui sera dit ici d’essentiel, c’est que la clé de l’émotion esthétique est une fonction spatiale… »

Le Corbusier.

 

1927 est une date capitale dans l’évolution de l’œuvre de Cassandre. C’est en effet l’année où, traitant pour la première fois et avec quelle réussite, le thème du rail, il trouve dans l’expression de l’espace la source de son émotion (35).

Cette nouvelle orientation, qui n’est certainement pas due au hasard des commandes, se montre de façon particulièrement sensible dans deux de ses œuvres les plus attachantes : NORD EXPRESS et ETOILE DU NORD, toutes deux de cette année.

 

Mais 1927, c’est aussi celle où il aborde le dessin de la lettre, traitée non plus comme l’une des composantes de l’affiche, mais comme caractère d’imprimerie utilisable, sinon universellement, du moins dans l’édition publicitaire (36).

Tout ce qu’il y a, dans la vie moderne, de neuf, d’audacieux, de grandiose, tout ce qui semble permettre à l’homme de faire reculer les limites du monde contemporain, est source d’exaltation pour le Cassandre de ces années là.

 

Comment alors s’étonner qu’il trouve dans le thème des grands Express une inspiration d’élection ?

Mais j’ai parlé d’espace ! Pour respecter la chronologie évidente, il convient d’abord d’évoquer une affiche de navigation, Sté Anonyme DE GERANCE ET D’ARMEMENT, qui, à cet égard, annonce ces affiches ferroviaires.

La première idée à exalter était celle du fret maritime. Cassandre utilise, dans ce but, une technique de composition s’apparentant à celle des photographes qui ont recours aux objectifs à courte focale pour faire dominer les premiers plans.

Le grossissement de la caisse, la fuite accélérée de ses arêtes, l’éclairage contrasté qui la modèle, sont autant d’éléments qui contribuent à exprimer efficacement ce thème principal.

Mais ce problème n’était pas le seul : il fallait aussi souligner la destination géographique de ce fret. Algérie, Tunisie, Maroc, figurent donc en pleine lumière sur la caisse. Pour incorporer ces trois noms à l’image, Cassandre choisit une lettre qui s’apparente à la lettre « pochoir » par ses empattements largement adoucis, celle qui est encore utilisée aujourd’hui en emballage maritime.

Transcrite dans la perspective de l’objet, elle fait, bien plus par son dessin que par sa dimension, dominer les trois mots-clé, pour reléguer au second plan les noms des Compagnies qui n’apparaissent qu’en sous-titre de l’image.

Ainsi, en dépit de la schématisation très abstraite des grands plans qui la composent, de l’expression purement typographique de ses détails, SAGA est déjà une affiche qui prend pour thème essentiel l’écriture vigoureuse d’un espace volontairement distendu par une perspective linéaire très accusée.

NORD EXPRESS et ETOILE DU NORD sont, quant à elles, les fruits d’une recherche doublement expressive :

espace-vitesse.

C’est grâce à une pratique beaucoup plus personnelle du tracé perspectif qu’est obtenu le résultat cherché.

 

Dans NORD EXPRESS, l’écrasante surproportion de la machine est atteinte par la situation de l’œil de l’observateur à la hauteur du rail, devenu à la fois ligne d’horizon et limite basse de l’image. Cet angle de vue permet d’exalter d’autant mieux, pour en exprimer toute la puissance, la dimension gigantesque des roues motrices et de l’embiellage. Enfin la position très inhabituelle du point de fuite dans l’angle même du tableau, ainsi aisément localisable, rend encore plus évidente la convergence dramatiquement précipitée des horizontales fuyantes, du corps de la machine au faisceau de fils télégraphiques subtilement détachés du ciel par l’inversion des valeurs de fond et basculés jusqu’à la verticale.

Ainsi graphiquement construite, l’image prend d’elle-même, sans artifice, sa signification, son dynamisme. Un modèle sommaire, plus allusif que représentatif, suffit à lui conférer assez de réalité pour qu’elle nous apparaisse s’engouffrer vers l’infini de sa profondeur.

Pourtant ce n’est pas pour autant qu’en dépit de sa volonté de laisser à la seule figuration graphique de l’espace toute son intensité lyrique, Cassandre sacrifie ses exigences en matière d’équilibre et de rythme. La modulation reste en effet encore ici très sensible et l’on voit bien comment, de ce point de vue, se construit l’image :

6 modules en largeur, 8 en hauteur (à nouveau le rapport ¾), si l’on fait, bien entendu abstraction du bandeau inférieur réservé au texte secondaire qui s’y trouve discrètement à sa place. Les masses de la composition s’appuient sur ce mode de graticulation (37), et le texte y participe au premier chef : les lettres du mot NORD s’inscrivent dans les 4 carrés axiaux de 1 module chacun, tandis que celles du mot EXPRESS mesurent en hauteur le demi-module.

Il paraît superflu de s’étendre d’avantage sur cet aspect, l’image parlant d’elle même. Il faut cependant souligner que, pour satisfaire sans doute aux exigences du cadencement, le tracé ne suit pas rigoureusement,

mais qu’importe ?

la logique de la perspective. Il se situe, en quelque sorte, au point de convergence de celle-ci avec celle de la modulation, lesquelles ne se montrent point incompatibles. Ainsi, les roues, ovalisées par la fuite, ne s’inscrivent pas dans des carrés perspectivement égaux, la très solide construction de l’embiellage, qui s’identifie aux reflets d’ombre et de lumière, s’appuie sur les deux diagonales orthogonales du carré de 4 modules construit dans l’angle inférieur gauche, et les pistons sont abstraitement exprimés par deux cercles parfaits en géométral (38).

C’est assurément la coexistence de ces deux logiques de composition, apparemment contradictoires, qui nous donne le sentiment que la forme se déploie à mesure que l’objet s’éloigne de l’œil qui l’observe, qu’elle apparaît bien plus et bien mieux décrite que représentée imparfaitement par l’artifice du trompe l’œil tant abhorré par l’auteur.

 

On a parfois reproché aux affiches de jeunesse de Cassandre une certaine sévérité et il serait fâcheux que l’aridité de l’analyse de ces trames de composition laissât le lecteur sur cette impression trompeuse : rigueur n’est point synonyme de sécheresse mais principe d’harmonie, satisfaction suprême de la sensibilité et signe de l’exigence de perfection formelle de l’artiste.

Dans son texte de 1926, la discrétion de l’allusion faite à ces méthodes de composition atteste combien il tenait à ce que cette trame n’apparût point à l’homme pressé auquel ces affiches étaient dédiées : « Arts est celare artem », telle fut toujours la règle d’or de Cassandre (39).

Mais, cachée ou non, la trame est bien là et, sans doute, joue-t-elle un rôle déterminant dans la jubilation que nous apporte la vue de ces œuvres encore si modernes bien qu’appartenant déjà au musée.

Ainsi serait-il impardonnable d’omettre le constat de sa présence, à l’occasion du regard plus insistant que nous permet le recul du temps. Qui, d’ailleurs, prétendait que cette rigueur enlève quoi que ce soit au lyrisme qui les sous-tend ?

 

La seconde affiche dont il sera ici parlé plus brièvement – car que faire d’un long commentaire en face de ce qui nous apparaît comme son indicible beauté – ETOILE DU NORD, se montre d’une expression plus libre.

Il semble que le peintre s’y soit, plus que dans la précédente, laissé emporté par son émotion née d’un espace fictif étrangement profond.

Cette fois, la perspective a basculé, rejetant vers le haut de la composition un horizon qui ménage tout juste assez de place pour que rayonne au point de convergence des rails en fuite l’étoile à cinq branches, image du mot-texte, dont la lumière disperse l’ombre mystérieuse attardée au bas de l’affiche.

Lequel d’entre nous n’a jamais rêvé à de lointaine contrées, à ce qui, dans nos vieilles voies ferrées, était si évocateur d’un ailleurs vers lequel nous aspirait leur fuite éperdue vers l’infini ?

Et qui échappera à l’envoûtement de même essence de cette ETOILE DU NORD si poétiquement lourde de sens ? Qui ne verra dans ce premier plan, brutal en sa graphique évocation, une figure parfaitement signifiante.

Utilisant une rare économie de moyens, c’est bien là le langage le plus poétiquement expressif que Cassandre ait pu rêver parler. Bien qu’il n’ait été commercialement présenté sous forme de spécimen le 30 mars 1929, le caractère Bifur, dessiné par Cassandre pour les fonderies Deberny & Peignot, était déjà en chantier à la fin 1927.

Mais avant d’en parler, revenons aux premières affiches de Cassandre, dont le lettrage annonce l’éclosion (ou l’explosion !) de Bifur.

Si les anecdotiques expériences initiales de SADAC et de A NOUS LES VRAIES PATES GARRES, comportent encore des textes composés en minuscules, Cassandre affirme en 1923 avec ceux de AU BUCHERON, composés avec des lettres dont la largeur n’est pas sans rappeler la Capitalis Quadrata des livres du II ème au V ème siècle, sa détermination de ne plus utiliser que les Grotesques chères aux graphistes du Bauhaus.

Bien que devant par la suite élargir sa palette aux latines (ou Incises), aux Egyptiennes et à des lettres « ombrées » ou « éclairées » de différentes appartenances, il respectera l’austère discipline des capitales jusqu’à 1939,

année qui marque la fin de sa grande période d’affichiste (40) .

Cassandre s’est assez expliqué sur les motifs de cette préférence qui s’opposait aux convictions des hommes du Bauhaus plus orientés, pour des raisons de lisibilité, vers l’emploi de la minuscule, pour qu’il soit besoin d’y revenir. Ce qu’il faut cependant souligner, c’est que la capitale, et surtout la capitale de l’Antique, s’intègre mieux, par sa simplicité, à la trame des systèmes graticulés alors employés par Cassandre, et que, par sa structure architecturale, elle s’accommode mieux que la minuscule, toute faite de nuances, de la manipulation intensive de l’équerre et du compas qui gouvernait ses compositions. Autre avantage de cette capitale : elle autorise, sans nuire à la lisibilité, toutes les distorsions, les changements de proportions, les interprétations, certes jugés hérétiques par les typographes sourcilleux, mais justifiés dans l’affiche par la nécessité de créer l’accident formel capable de faire d’un mot le pôle d’attraction visuelle.

Mais c’est surtout au texte PIVOLO qu’il convient de se référer pour juger de Bifur. C’est en effet là que, pour la première fois, Cassandre considère la lettre, non plus seulement comme fonction de signification ou architecture graphique, mais comme une tache, une valeur qui fait pleinement écho à l’image.

Le fait de nuancer le trait en le faisant passer du noir au bleu, selon une construction qui s’apparente à celle de l’illustration, celui de soutenir en grisant ce que les typographes appellent le contre-poinçon ou le triangle ouvert du V, ces gestes-là indiquent la volonté de traiter la lettre comme une surface dont la densité lui permet de devenir une des composantes plastiques actives de l’affiche.

De la sorte, l’écriture qui, au sens strict n’en est plus une, devient un jeu dans lequel évoluent rythmiquement la forme de ces taches, leur valeur et les blancs qui les unissent plus qu’ils ne les séparent.

Notons que ce texte réalise une singulière synthèse entre capitale et bas de casse qui surprend, que le mot APERITIF, s’il n’était dans son dessin justifié par les besoins de la composition de l’image, serait typographiquement bien contestable, qu’enfin le mot piVolo est à lui seul une affiche vivante.

Créé pour la publicité, Bifur a pour fonction de surprendre. Pour se graver dans la mémoire du spectateur, un seul moyen : se faire oublier en tant que signe calligraphique, pour s’imposer comme un accident typographique.

Conservant le principe du mot piVolo, Cassandre retient d’abord de la lettre sa masse ; il en simplifie l’architecture, amplifie sa géométrie, grise ou colore les vides en supprimant le trait là où, suggéré par l’aplat, il n’est pas indispensable. Ainsi, chaque lettre devient une tache qui se déploie sur le papier et rythme la ligne en jouant au mieux de sa forme et de sa couleur, pour composer le mot inoubliable.

Mais, pour la rendre immédiatement identifiable, il reprend l’essentiel de l’Antique, ce qui la caractérise et la différencie, précisément ce que notre mémoire n’a pas élagué, ou plutôt il invente un tracé original singulièrement nerveux, apte à lui restituer son identité.

Ce qui était un audacieux pari typographique est une incontestable réussite : le fait qu’aujourd’hui le caractère reparaisse dans certaines compositions publicitaires en est le signe (41). La majestueuse grandeur de la page composée pour l’exemple NE LE REND PAS ILLISIBLE est à l’égal des admirables épigraphies romaines ou carolingiennes.

Cassandre a présenté lui-même son Bifur dans la revue Arts et Métiers graphiques (42) :

« Publicité. Des kilomètres de vermillon fusillent la rétine à bout portant. Tout compte fait, la piste balayé, il reste un mot, Cadum, Citroën. »

« Bifur est un mot, un seul. Mais c’est un mot vedette. Il entre dans une page comme une danseuse-étoile dans le nimbe d’un projecteur, lorsque le corps de ballet s’est effacé à droite, à gauche, côté cour et côté jardin.

Bifur n’est pas le produit d’une imagination fantaisiste. Nous nous sommes efforcés au contraire de poser un problème précis et de le résoudre, en restant dans le domaine de la typographie. Nous voulons dire que Bifur n’est pas un caractère DECORATIF. « Bifur a été conçu comme un balai électrique ou un moteur à explosion, pour remplir une fonction déterminée – non pour orner. C’est cette vertu d’utilité qui peut le faire participer à notre actualité. »

« Une lettre est une forme pure à l’origine, mais successivement déformée par le ciseau du sculpteur, la plume alcoolique du scribe, le burin des premiers imprimeurs épatés d’imiter cette plume avec leur petite mécanique. Nous avons essayé de restituer à cette lettre tout ce qui était à elle, mais seulement à elle. »

« Si dans ces conditions Bifur surprend par son aspect inaccoutumé, ce n’est donc pas parce qu’il est habillé de manière excentrique, mais bien parce qu’au milieu d’une foule vêtue, il se promène tout nu. »

« Nous avons tenté simplement de rendre au mot sa puissance d’IMAGE, qu’il avait primitivement. Réduit à une forme schématique, sa plus simple expression, il peut, croyons-nous, devenir plus « photogénique » pour nos rétines fatiguées. »

« DANGER. – Bifur a été conçu, comme un signal de chemin de fer, pour fonctionner – arrêt absolu. Si par mégarde, erreur d’un typographe maladroit, il ne fonctionne pas – c’est la catastrophe inévitable. Bifur, caractère de publicité, a été dessiné pour imprimer un mot, un mot tout seul, un mot affiche. »

 

Blaise Cendars répondait un jour à une enquête sur la publicité :

« Puissiez-vous découvrir, vous qui faites aujourd’hui appel aux littérateurs, le génie poétique primesautier qui trouvera le mot géant et simple pour faire pendant au-dessus de Paris à l’affiche monstre du Bébé Cadum. »

« C’est pour imprimer ce mot-là que Bifur a été fondu. »

Revenons à l’affiche ! S’il a paru nécessaire d’analyser dans le détail les premières œuvres de Cassandre, parce qu’elles illustrent clairement, dans leur simplicité originelle, les grandes orientations qui ont présidé à la formation de son esthétique, on comprendra que les suivantes ne pourront, en raison de la dimension de cet essai, donner lieu à semblables développements.

Durant cette période, en pleine possession de son métier et dans un constant souci de renouvellement, il fera appel à toutes ses ressources, en particulier à des techniques plus picturales, encore que cet enrichissement reste soigneusement asservi à la discipline graphique, dictée aussi bien par les procédés de reproduction que par sa conception de l’affiche.

Mais avant d’aller plus loin, sans doute convient-il de l’écouter s’exprimer sur elles comme il le fit alors à plusieurs reprises.

D’un texte publié en 1929 dans un numéro de l’Art International d’aujourd’hui, titré en Bifur et consacré à la publicité, ont été extraites les lignes essentielles (43) :

« Comme elle échappe au « Musée » ou à la « Collection », la Publicité échappe à tout jugement. Elle est quelque chose comme l’amour on ne la JUGE pas – on la SUBIT. Elle n’est plus un jeu, mais un phénomène naturel comme la nuit et le jour ; une des plus belles conséquences de l’activité contemporaine : la VIE même. »

Blaise Cendars écrivait quelque part :

« Un rond n’est plus un cercle mais devient une roue, et cette roue tourne ».

« L’affiche n’est plus un tableau mais devient « une machine à annoncer ». le catalogue, l’annonce, l’enseigne lumineuse, autant d’objet vivants qui font aujourd’hui partie de notre vie quotidienne comme le téléphone et la machine à écrire. »

« Le langage publicitaire naît à peine, mais il est né. Toute une génération d’artistes trouvent en lui son mode d’expression le plus vivant ? psychologiques ou techniques, mille problèmes la sollicitent. La matière, les procédés, la technique ne sont plus fonction que des moyens de la machine. La typographie, l’offset, la lithographie, l’héliogravure, la phototypie, la simili, l’héliochromie, l’émeuvent bien plus que toutes les conceptions esthétiques périmées pour elles… »

Mais le texte suivant est bien plus explicite (44) :

« Il est malaisé de situer l’affiche parmi les arts plastiques , et d’en définir le rôle. Les uns l’assimilent à la peinture et se trompent, les autres la classent parmi les arts décoratifs et se trompent également, je crois. Elle ne peut être ni un tableau de chevalet, ni un décor de théâtre, mais « autre chose », quoique se servant parfois des moyens de l’un et de l’autre. « L’affiche exige du peintre un complet renoncement. Il ne peut S’EXPRIMER en elle ; Le pourrait-il, il n’en aurait pas le droit. « La peinture est un BUT en soi. L’affiche n’est qu’un moyen, un moyen de communication entre le commerçant et le public, quelque chose comme le télégraphe. L’affichiste joue le rôle du télégraphiste : il N’EMET pas de messages, il les TRANSMET. On ne lui demande pas son avis, on ne lui demande pas son avis, on lui demande d’établir une communication claire, puissante, précise. »

« Sans doute s’agit-il d’un message plastique. Mais si l’affichiste emploie les moyens du peintre, ils cessent d’être pour lui moyens d’expression individuelle, pour devenir langage anonyme, une sorte de code international, l’alphabet Morse du télégraphiste. »

« Un jour peut-être ce télégraphiste aura-t-il à transmettre S.O.S. Ce jour-là, sans doute, malgré lui, son message emportera dans son angoisse un peu de lui-même. Mais à l’autre bout du monde, dans le tumulte de la ville, à travers la voix tonitruante, informe, inhumaine du haut-parleur, qui donc pourra percevoir les battements de son cœur ? »

Mais on lira surtout avec le plus grand intérêt, parce qu’elle constitue quelque chose comme le bréviaire d’un Cassandre au plus fort de ses moyens, une page qu’il écrivit sans doute peu après la précédente et dont j’avoue ignorer si elle était destinée à la publication. Peut-être était-elle seulement la réponse à un besoin intime de formuler sa pensée créatrice ? 

 

« Une affiche doit porter en elle la solution de trois problèmes :

1.OPTIQUE

2.GRAPHIQUE

3.POETIQUE »

« 1. OPTIQUE – Une affiche est faite pour être VUE. Truisme sans doute, mais si elle ne possède pas avant tout cette vertu de visibilité ses qualités ne lui serviront à rien : un orateur aphone, quelqu’éloquent qu’il soit, aurait peu de chance de convaincre son auditoire. »

« Cette visibilité dépend non d’un simple contraste de couleurs, mais bien d’un rapport de valeurs, exalté par un choc de formes, un accident formel. »

« 2. GRAPHIQUE – On n’a pas jalonné les voies de chemin de fer de pancartes portant les mots « veuillez vous arrêter S.V.P. ». On a judicieusement préféré des signaux colorés, sortes d’idéogrammes infiniment plus expressifs et d’une lecture plus rapide. L’affiche qui doit parler vite a choisi le même langage : l’image, véhicule même de la pensée. N’ayant à sa disposition qu’un vocabulaire graphique limité (par les impératifs de l’imprimerie), vocabulaire de la peinture comme de tout Art Graphique, elle devra obligatoirement se soumettre aux lois qui régissent ces derniers. Usant de la même grammaire, elle devra obéir à la même syntaxe, pour parvenir à la même harmonie. Une mariée n’est jamais trop belle ! »

« 3. POETIQUE – Image liée à un mot (ou un nom), le but d’une affiche est de créer autour de cette image-mot, une série d’associations d’idées très simples et des associations d’idées qui ne sauraient être oubliées. Il lui faudra donc provoquer chez le spectateur bien plus qu’une sensation visuelle fugitive, une émotion, consciente ou inconsciente, en tout cas obsédante. »

« Sans ce pouvoir d’émotion elle ne saurait être qu’une femme sans sex-appeal. »

« Devant parler vite à tout le monde, elle n’a qu’une chance de se faire entendre : le langage poétique. »

« Impossible d’arrêter les gens dans la rue  pour leur expliquer les avantages de tel produit. Il faut les prendre à leur insu, par surprise. »

« Ainsi l’affiche ne sera donc pas forcément plaisante ni sympathique, pourvu qu’elle soit émouvante. On ne lui demande pas de se faire aimer ni comprendre, seulement de se faire subir. »

« Elle est à la Peinture ce que le viol est à l’amour. » (45).

Ces trois textes témoignent de l’attention avec laquelle Cassandre réfléchissait alors à ce qui, selon lui, devait constituer les principes essentiels de l’art de l’affiche. Si le premier est encore teinté, comme celui de 1926, d’un émerveillement inspiré par la naissance radieuse du nouveau langage qu’il voyait dans la publicité moderne, le second n’est pas tellement éloigné de l’inquiétude du créateur solitaire, cette soumission à une règle acceptée de façon quasi-monastique n’apparaît-elle point colorée d’une certaine nostalgie pour de modes d’expression plus riches de possibilités lyriques ?

Quant-aux derniers mots, loin d’être une affirmation optimiste, ils résonnent plutôt comme l’écho de l’isolement du poète, d’un poète qui, paradoxalement, aurait conclu un pacte assez diabolique avec une société prête à lui tirer dans le dos !

Mais c’est surtout le troisième texte qui est édifiant.

Discours de la Méthode, certes, rigoureusement formulé en trois points mais aussi miroir. Miroir qui nous renvoie l’image d’un artiste investi dans son ouvrage, qui, comme ceux de la Renaissance sut si bien réaliser le difficile équilibre entre les exigences humanistes de l’intellect et la soif d’expression lyrique, dont le miraculeux accord éclaire la production du Quattrocento.

Avec ces hommes de la Renaissance, pour lesquels allait de soi le plus large éclectisme, et étaient indignes d’exister les barrières conventionnelles que notre modernité a élevées entre l’architecture, la sculpture et la peinture, Cassandre partage le mépris de la spécialisation (46).

Pour ne parler, parmi d’autres, que du domaine de l’affiche, dans lequel il déploie, durant ces quelques années, une activité si intense, comment ne pas s’émerveiller devant la diversité des moyens qu’il met en œuvre pour en aborder les différents aspects. Et c’est précisément cette multiplicité de visages qu’il sait donner à l’affiche, dans l’exigeante rigueur de sa démarche intellectuelle, qui rend malaisée l’analyse de ses diverses manières.

C’est, semble-t-il, au contraire en s’efforçant d’en faire la synthèse, que l’on peut risquer de voir apparaître son œuvre publicitaire comme un tissu serré, dont la chaîne serait composée des thèmes si diversement traités et la trame qui la traverse, des multiples registres sur lesquels il joue alternativement avec tant d’intelligence et d’opportunité.

De quoi donc cette trame est-elle constituée et quels sont ces registres dont il convient de ne point confondre la diversité avec l’évidente évolution du style de Cassandre au fil des années ?

Faisant abstraction des affiches strictement typographiques, j’en ai, pour ma part, dénombré cinq, ce qui est beaucoup si l’on se réfère à l’univers passablement rétréci des publicitaires d’aujourd’hui (47).

Difficulté supplémentaire à leur différenciation, ces registres ne se montrent pas toujours clairement partagés, ce qui veut dire que, selon les cas, Cassandre joue dans plusieurs d’entre eux à la fois.

Ce n’est point l’un des aspects les moins caractéristiques de l’éclectisme de son propos.

De ces registres, le premier évoqué ici, celui d’une authentique POETIQUE DE L’ESPACE, qui lui est très personnelle, et qu’il développe à travers une dramatisation exacerbée de la perspective linéaire, a été mis en lumière à propos des affiches de 1927, SAGA, NORD EXPRESS et ETOILE DU NORD.

Si l’esprit synthétique conduisant à l’expression très logique de cette espace engendre, dans LONDEN VIA HARWICH (1928), et LA ROUTE BLEUE (1929), un monde auquel la rigueur de l’épure confère une simplicité schématique qui frôle la froideur, cet esprit, en revanche, s’enrichit singulièrement dans LMS, éditée en 1928 par L. Danel (48), au point que l’on n’est pas éloigné d’y retrouver le lyrisme des trois affiches précitées.

Si comme dans ETOILE DU NORD, la vue s’y montre très plongeante, la voie ferrée, fuyant ici linéairement vers la droite, est plutôt traitée cette fois comme une nappe de métal dont l’extrémité lointaine se confond avec la ligne d’horizon qui borne l’image en haut. Mais la perspective linéaire n’opère point seule dans cette LMS, car vient s’y ajouter l’effet gros plan du volumineux distributeur d’aiguillage, qui rend la profondeur du champ plus sensible et dont la présence est aggravée à la fois par son échelle et son expression très objective.

A noter, en passant, la facture du lettrage LMS rouge vermillon qui, s’ornant, comme parfois chez Loupot mais chose toute nouvelle chez Cassandre, d’une blanche frange mousseuse, le fait émerger du camaïeu l’image qu’elle aime de sa vibration.

 

Chargée d’associer à un produit ou un service une image caractérisante indélébile, la publicité joue fréquemment dans le registre de L’EMBLEMATIQUE ; La démarche graphique qui conduit au logotype, le plus élémentaire des outils de mémoration qu’elle utilise, emprunte cette voie. Cassandre en fait autant dans une quarantaine d’affiches composées durant cette période, qui parlent un langage richement imagé, dont la schématisation géométrique et l’expression figurative sont les ordres opposés.

Dans le premier, et sur le ton humoristique, la silhouette découpée dans un aplat noir d’ORANJEBOOM, de 1927,

où domine l’expressions nerveusement graphique et colorée de la chope mousseuse, le personnage qui noircit à mesure que se développe la séquence en trois poses de DUBO DUBON DUBONNET, et dont les traits et les gestes, ayant donné lieu à toute une déclinaison de situations burlesques, ont immortalisé « l’apéro » bien de chez nous, ne jouent pas dans un autre registre (49).

Sur le même ton de l’ironie, s’expriment WAGON LITS COOKS et BONNAL, toutes deux de 1933.

Dans la première, l’abstraite notion « à votre service » est incarnée par le tandem brun et bleu des stewards dont la bichromie est renvoyée en écho dans le texte, et dont les képis se soulèvent d’un même geste pour laisser échapper non sans malice un « gratuitement » vermillon, tandis que s’élance sur la ligne du petit texte la silhouette fringante d’un voyageur très british, dont le contentement ajoute à la bonne humeur de cette affiche. Dans la seconde, c’est une bien singulière silhouette blanche que son ombre portée noire découpe et pose sur l’affiche, placée comme en équilibre sur un BONAL dont l’objectivité pèse de toute sa densité dans le contexte d’un fond vibrant dans la chaleur de jaunes lumineux.

La vigoureuse expression graphique de la bouteille, d’où s’écoule un flot d’étoiles roses, contraste singulièrement avec l’abstraction de cet étrange funambule.

C’était, au contraire, le tragique qui l’emportait sur le burlesque, le figuratif sur le schématique, dans le BAL DES SOURDS MUETS AVEUGLES qui, en 1927, avait donné à Cassandre l’occasion de brosse largement le masque douloureux de l’infirmité.

Le rêve trouvait également sa place en ce registre. Un vrai rêve d’enfant que ce père Noël qui, la hotte débordante de joujoux, dégringolait d’un ciel nocturne constellé d’étoiles, vers les tons chauds de la fête, pour nous inciter à tout acheter à ces GALERIES LAFAYETTES poudrées de neige (1928) !

Sur un ton plus grave, Cassandre peint durant cette période une dizaine d’autres affiches-emblèmes, que l’on peut évoquer simultanément parce qu’en débit de la diversité des thèmes, elles relèvent de la même démarche.

Précédé, trois ans avant, par la figure tricéphale de 1926, à la gloire du maître-chapelier, dont le haut de forme, le melon et le feutre mou, silhouettés en noir et blanc, coiffaient trois masques hiératiques aux regards glacés, - l’un d’eux se réduisait au cercle parfait d’un monocle -, le second SOOLS, celui de 1929, est d’une expression bien plus réaliste. Cette fois c’est le détail en gros plan qui fait l’affiche, détail d’un chapeau enrubanné, dont le bord découvre à peine un œil aussi fixement anonyme que les premiers, mais qu’une touche pointilliste rend cependant plus vivant.

Plus souriante, mais d’un hiératisme aussi emblématique, est LA CASQUETTE GRAND SPORT de 1931.

De celle de 1925, Cassandre reprend le contraste de la représentation figurative de l’objet à vendre, la casquette, avec la schématique allusion à la figure qu’elle coiffe. Il s’agit ici d’une simple tache rouge brique, se fondant dans le papier, que précisent, d’un côté un tracé à l’équerre où, à la manière cubiste, se conjuguent face et profil, et de l’autre une simple ligne de texte. La composition qui, cette fois, incline la figure, conduit-elle à plus d’expressivité ?

Sans doute. Plus pittoresque, l’image gagne en puissance d’évocation ce qu’elle perd en force emblématique.

GAZELLE, de 1928 ( ?), SAVON LE CHAT et L’UNION, de 1932, SOCIETE AGRICOLE et LEROY, de 1933, l’anecdotique MADEMOISELLE PARIS et le remake de BUCHERON, de 1934, PARIS 37, de 1936, utilisent dans ce registre, des techniques d’une grande diversité.

Mais BK EMAILLE, de 1930, se distingue par l’utilisation de deux lettres, traitées dans des tons évoquant le matériau, qui présentent, à la manière d’un personnage, une bouilloire métallique tracée comme par un dessinateur industriel. Les initiales grasses créent un mouvement équivoque, qui n’est pas sans faire penser aux grosses marionnettes, typées par leurs costumes, dont il va être question.

C’est, en effet, ainsi que se présente le solide bougnat BERNOT, de 1930, avec sa cheminée sous le bras. La rudesse du style, évoquant celle du personnage, ne manque ni de force ni de saveur ! Le vêtement de travail SAVO, de la même année, brandissant son marteau, est à lui seul une sorte de pantin pétrifié dans les angles droits de ses gestes, qui s’identifie à l’appareillage de briques lui servant d’arrière-plan.

Bien moins tragique est, dans PAR CALAIS-DOUVRES (1931), le robuste matelot à pompon rouge. Modelé dans les bleus qui se fondent dans la terre de Sienne brûlée des chairs, il réussit à s’identifier par la couleur au rectangle à peine oblique de la mer évoquée par des vaguelettes écrites sur des passages très sensibles du vert cru à l’outremer qui éclaire son costume. Dommage que cette affiche synthétique n’est pas été éditée ! Il est vrai que l’idéogramme du rectangle marin ne sera pas oublié par son auteur (50).

Parmi ces figures, se rangent LE TOUQYET, signé sans date Atelier Cassandre, et, bien sûr, l’explosif et spirituel… Spirit of Trafalgar de SEAGER’S GIN de 1935.

Mais il convient de s’arrêter sur trois affiches qui font appel à la seule mémoration rétinienne de la couleur. Dans CASINO (1931), NICOLAS (1935) et KINANECTAR (1936) les personnages, antérieurement popularisés, ne figurent que comme prétexte au déploiement rigoureusement organisé de la couleur. Dans la première, la masse vert cru qui dévore toute l’affiche est triée, assez élémentairement, par les bandes rectilignes du store orange et blanc.

 

Dans la seconde, bien plus élaborée, c’est une très savante composition de rayures jaunes, oranges et rouges vifs, tournoyant derrière un NECTAR (51) simplifié, qu’un violent éclairage décolle du fond par son ombre portée délimitée par les changement de tons qui passent des couleurs de la lumière à celles de l’ombre calme, le violet, le mauve, le vert froids. C’est vrai que l’on peut rêver sur l’aspect précurseur du Op’Art d’un tel système, dans lequel les couleurs, pourtant en nombre limité, ont la vertu de se multiplier par la seule diversité de leurs juxtaposition ! Le fait, à juste titre, a déjà été souligné (52).

Dans la troisième de ces affiches, la silhouette de NECTAR a perdu beaucoup de ses célèbres bouteilles en éventail et aussi beaucoup de son objectivité. Elle se réduit à un aplat blanc qui s’efface derrière le très grand N à double fin d’un KINANECTAR se découpant sur un fond amplement dégradé où vibrent plus calmement les tons du précédent NICOLAS : simple logotype !

 

Dans le même temps Cassandre compose une trentaine d’affiches qui jouent dans le registre du PITTORESQUE.

Mais prenons garde ! Le pittoresque dont il s’agit ici s’efforce, nécessité publicitaire oblige, de se contenir dans des limites compatibles avec une expression raccourcie, saisissable d’un coup d’œil, et le terme de Nature y recouvre, réuni dans une vision globale, tout ce qui peut charmer le regard ou mieux le captiver :

les locomotives, la femme, la vitesse, le paysage campagnard ou urbain, les saisons, les éléments, les vestiges du passé.

Anticipée par une première expérience faite dans ce registre dès 1925, CHEMINS DE FER FRANÇAIS, (qui, en dépit de ses aspects descriptifs, n’est pas sans rapport avec l’esprit de ces personnages emblématiques qui viennent d’être évoqués) et issue d’une composition de 1927, primitivement destinée à NORD EXPRESS, la seconde affiche LMS, éditée en 1928 par McCorquodale & Co, est une superbe toile d’inspiration cubiste, peinte sur le thème de la mécanique : coup de projecteur sur l’acier d’un embiellage en pleine action, traité par grands plans.

Les deux roues motrices sont soulignées d’un halo dont le rouge vermillon évoque à la fois la vitesse et le feu qu’emportaient dans leur ventre nos vieilles locomotives à vapeur.

La volonté picturale est ici avouée si franchement qu’on se demande si Cassandre n’avait pas, cette fois , donné congé aux belles règles d’austérité qu’il imposait à l’affichiste, pour se livrer tout entier au simple bonheur de peindre, jusqu’à aller, paradoxe chez lui exceptionnel, à faire pratiquement disparaître le texte dans la dynamique de l’image.

C’est en voulant éviter la facilité souriante de ses prédécesseurs qu’il aborde le thème de la femme, dans les quatre affiches AUX GALERIES LAFAYETTE. Deux d’entre-elles, de 1928, sont des nus cubistes du meilleur ton, s’attardant non sans complaisance sur des détails de dentelle stylisée. Dans une autre, de la même année, il utilise les vertus expressives du collage photographique : ce « judas » (53) qui, troué dans le grand fond vermillon, laisse apercevoir les traits d’un visage féminin anonyme, possède quelque chose d’énigmatique qui accroche et retient l’attention.

Comment vouloir à l’auteur de l’indigence de l’écriture graphique qui encadre ce regard ? Comment lui reprocher que cette affiche dont la nouveauté de conception dut faire sensation à l’époque, n’ait plastiquement pas grand chose pour séduire, puisqu’il y immolait ses exigences esthétiques sur l’autel de la communication ?

La dernière, de 1929, célèbre l’été sous les traits d’une jeune femme, buste modelé dans les terres qui révèle une sensibilité de dessinateur jusqu’alors inconnue chez l’artiste. 

Plutôt que d’aborder de front le thème de la beauté féminine, Dr CHARPY (1930) préfère se référer aux sources classiques pour confronter la figuration d’un visage modelé largement à l’aridité des études de proportions du corps humain de Jean Cousin.

La vitesse, c’est FLECHE D’ARGENT (1929) et, surtout, L’OISEAU BLEU (1929), nuage d’où émerge, seul point fixe de l’image le damier rouge et blanc d’un signal de chemin de fer se profilant dans une fuite de fils télégraphiques :

la voie est grande ouverte pour laisser passe l’hirondelle bleue substituée au rapide lancé à toute vapeur.

 

C’est aussi SWEEPSTAKE (1935), aux deux mufles de purs-sangs montés par deux casaques multicolores gonflés par le vent d’une victoire gagné d’une courte tête devant un poteau d’arrivé réduit à une ligne blanche bien calée sur le texte.

Dans la série des paquebots, STATENDAM, de 1928, nous ramène au thème de la mer où Cassandre se montrera, plus que jamais, soucieux de son renouvellement, faisant varier non seulement ses points et ses angles de vue, mais aussi son style, du schématisme à peine figuratif de SAGA, déjà évoquée, au réalisme le plus objectif de NORMANDIE.

Ce qui n’était dans celle-là que suggéré par des plans traités en aplat, devient, dans STATEDAM, objet de pittoresque dont le cadrage en gros plan impose sa concrète présence. Le modelé de ces superstructures, si sensible dans sa simplicité qui se détourne du piège du trompe-l’œil, ces fumées rythmées en vagues successives, ce gréement réduit à quelques lignes très pures, tout cela en dit long sur ce qu’était alors, dans sa démarche expressive, le souci de Cassandre de « coller au mur ».

Bel exemple aussi de l’importance donnée à la justesse de la valeur qui, lui conférant sa plasticité, fait tenir la composition en équilibre, dans un chromatisme peu contrasté dont la gamme de base s’en tient aux noirs, aux gris, aux bistres, aux ocres.

C’est semble-t-il, de US LINES, qui donne plus d’importance à la polychromie, tout en sacrifiant davantage à la ronde-bosse que doit posséder STATEDAM.

Henri Mouron, A.M.CASANDRE 1984.    

Schirmer / Mosel Production

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CHAPITRE 2 :    DE LA SYNTHÈSE A L'OBJET Suite

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